« La gourmandise commence quand on n’a plus faim» Alphonse Daudet

Quand on cherche la définition de gourmandise, quelques dictionnaires la décrivent comme le défaut du gourmand. Les termes sont là, vous êtes prise en flagrant délit d’imperfection ! Elle est même parfois aussi associée à la goinfrerie, soit qu’on se le dise à une avidité répugnante. Et voilà que la gourmande est soupçonnée de démesure et d’excès, de ce qui ne relève pas d’une qualité.

A contrario, la faim est définie par le besoin de manger et par la sensation qui apparaît lorsque l’on n’a pas mangé. La différence est grande entre les deux termes. Ce serait comme si avoir faim était naturel (et ça l’est lorsque notre organisme est en demande pour bien fonctionner) alors que se laisser aller à sa gourmandise serait contre nature et presque punissable, en tout cas très critiquable et dommageable. Voyons comment nous y retrouver dans notre quotidien.

Avoir faim et avoir envie de manger, deux sensations différentes

Les deux sensations ne sont donc pas identiques du tout. Nous allons détailler comment les identifier, les singulariser et les distinguer car les reconnaître vous aidera dans votre rapport à la nourriture et votre comportement ne sera plus le même. Adoptez des habitudes alimentaires qui vous feront du bien, qui vous offrirons un meilleur équilibre et dont vos enfants pourront bénéficier. Nous avons également un rôle d’éducateur dans le domaine culinaire.  

La faim, une sensation physiologique au niveau de notre organisme

On le lit, on le dit, vous devez être à l’écoute de ce que votre corps exprime. Un trouble, des sensations de vertige, un ventre vide qui parle presque, un ventre qui gargouille, une baisse générale de tonus, des manifestations très claires qu’il vous suffit de percevoir pour les décrypter.

Sachez en premier lieu que la faim répond à un manque physique. Le corps réclame de la nourriture pour assurer son bon fonctionnement. Une farandole d’expressions familières l’illustre : crever ou mourir de faim, rester sur sa faim, avoir l’estomac dans les talons, être affamée, avoir une faim dévorante. Des images nombreuses qui expriment ou renvoient le plus souvent à des sensations peu agréables et très physiques.

Une sensation répondant à un besoin vital de se nourrir

On peut considérer la faim comme un mécanisme de défense et de conservation qui nous pousse à nous alimenter. Comprenez qu’elle correspond à la baisse de notre niveau de glucose dans le sang. Ce manque nous fait secréter une hormone qui induit la faim et il devient alors primordial de s’alimenter.

Une sensation qui alerte notre corps sur son besoin d’énergie pour survivre

Vous êtes flapie, vous avez peut-être froid, vous avez la tête qui tourne ou qui commence à vous faire souffrir, vous vous sentez mal, vous êtes grincheux/se, ne serait-il pas l’heure de passer à table ?

Les meilleurs symptômes qui permettent de distinguer la faim de la gourmandise

La faim et la gourmandise ont des manifestations différentes. Vous adapterez vos comportements et pratiques alimentaires en fonction de ce que vous aurez identifié.

Les gargouillements de ventre

Vous vous êtes déjà retrouvée dans un silence assourdissant interrompu par un glouglou bruyant issu de votre ventre. Peut-être était-ce l’heure de passer à table pour le repas. Ou alors de vous préparer un petit encas « basses calories » avec une pomme par exemple ou un autre fruit, quelques noisettes et amandes, un grand verre d’eau. Vous verrez qu’il est vraiment possible d’arriver à vous nourrir parce que votre corps le demande et combattre en même temps, grâce à une alimentation saine, une prise de kilos qui vous angoisse.

La sensation de fatigue

Vos paupières et votre tête sont lourdes, vous éprouvez une fatigue importante et une baisse d’énergie dans tout votre être, il est probable que la faim vous taquine. Souhaitez-lui la bienvenue et pensez à consommer des aliments qui vous donneront le plein de nutriments (vitamines et minéraux par exemple) plutôt que de calories superflues. Ayez sur vous une pomme alliée minceur, une banane alliée tonus, un morceau de pain complet (non industriel) s’il n’est pas l’heure d’un vrai repas. Bannissez les préparations transformées, les barres énergétiques qui sont très mauvaises pour la santé malgré des publicités alléchantes, les viennoiseries beaucoup trop grasses. Revenez à des plaisirs frugaux.

Les tiraillements dans l’estomac

Mais qu’est-ce qui vous traverse à la verticale et vous laisse un vide béant ? Vous l’entendez ? Vous le reconnaissez ? C’est votre estomac qui crie famine et qui vous fait mal. Il s’agit de crampes d’estomac. Elles sont douloureuses et pénibles. Un mal de ventre soudain, une sensation de nausée parfois qui accompagne le tiraillement et voilà que vous devez trouver quelque chose à vous mettre sous la dent qu’il soit l’heure d’un repas ou non car vous ne pourrez pas continuer votre journée tranquillement. N’ignorez pas ces signes qui sont là pour vous alerter de votre besoin physiologique.

La faim réelle pourra être satisfaite, vous réussirez à manger à votre faim. Votre ventre sera rempli et votre message de satiété entendu. Ainsi, il sera possible de vous arrêter de manger avant d’être trop pleine. De plus, manger aux moments clés vous permettra de mincir. Ne privez pas votre corps qui sait garder en mémoire ces privations et qui stockera au prochain ravitaillement, à la prochaine source d’énergie. La faim ne s’oublie pas. Elle peut en donner l’impression mais l’énergie que vous n’aurez pas apportée à l’instant T se manifestera à un autre moment.

La gourmandise, une sensation psychologique

La gourmandise n’est pas comparable à la faim. Selon Alphonse Daudet, « la gourmandise commence quand on n’a plus faim». Par ailleurs, la gourmandise a également mauvaise réputation. C’est même un pêché dans la religion catholique. Imaginez bien, vous vous adonnez à un plaisir non nécessaire, vous ne pouvez pas vous contrôler puisque vous vous précipitez pour dévorer ce que vous trouvez.

Ne confondez plus faim et appétit. Celui-ci se démarque de la faim en ce qu’il peut même dominer votre sentiment de satiété. Rien n’y fera alors que vous serez rassasiée, la gourmandise vous poussera à vous resservir, à reprendre de ce délicieux fromage et à égaliser le gâteau qui se trouve devant vous. Vos besoins ne sont plus physiologiques, ils sont remplacés par quelque chose de plus fort que vous, quelque chose que vous avez du mal à dompter.

L’envie de manger se crée dans votre tête

On mange mais en réalité on cherche plus à se remplir qu’à répondre à une véritable sensation de faim et de ventre vide. Si l’on prend le temps de faire un pas symbolique en arrière, avant de se diriger vers le moindre placard ou vers le frigidaire, juste pour se demander si l’on a faim, souvent on se rend compte que la réponse est négative. Lucidement on peut même arriver à analyser ce besoin de manger comme l’envie véritable de combler un manque. Lequel ? À vous de jouer. Comme un enquêteur, sondez-vous pour savoir ce dont vous avez le plus besoin à ce moment-là. Est-ce vraiment d’un paquet de gâteaux avalés goulûment ou d’une attention particulière ?

Très souvent, votre désir de manger du sucre s’explique concrètement. C’est pourquoi il faut parvenir à vous expliquer votre histoire autour de la nourriture. Qu’elle vienne compenser un malaise, un inconfort ou une insatisfaction n’a rien d’exceptionnel. Est-ce un stress au travail ou à la maison, un besoin d’amour et de reconnaissance ou est-ce une peur qui vous amène comme par magie à ouvrir le paquet de gâteaux ? Pour certaines personnes, ce sera le shopping l’exutoire ou le jeu ou encore une autre addiction qui se veut un baume contre ce mal-être ? Le processus reste le même. Les déclencheurs sont un ressenti, une affluence de sentiments (tristesse, colère, frustration, ennui, peurs etc.), votre proximité aux placards à petits plaisirs interdits, votre goût développé pour un aliment spécifique qui vous pousse à engager un combat pour ne pas y céder.

À titre indicatif, un sondage grand public Harris Interactive pour Deliveroo (un site de commande de nourriture en ligne) de janvier 2018 révèle que 82% des Français ont pour réflexe de manger lorsqu’ils se sentent tristes ou déprimés. Ils ne mangent pas n’importe quoi puisqu’il faut que pour 56% ce plat soit sucré. On parle d’un plat « réconfortant » avec comme tiercé gagnant un gâteau au chocolat, une crêpe et une crème glacée. Vous n’êtes pas seule.

L’envie le plus souvent d’un carré de chocolat, d’un petit biscuit ou d’un morceau de fromage est légitime. Qu’on en ressente l’appel puis que l’on se mette à fouiller ses placards ou son réfrigérateur fait partie de la vie. Le problème est lorsque la petite envie qu’on croyait passagère se métamorphose en un cri intérieur et que l’on se retrouve à manger des aliments qui ne sont pas nécessaires au bon fonctionnement de notre corps ou à manger beaucoup plus que ce que l’on avait prévu puisque les signaux de satiété ne se mettent pas en marche. Vous répondez à autre chose.  

Cette gourmandise légitime qui pointe le bout du nez peut vite devenir embarrassante si elle n’est pas maîtrisée. Vous avez déjà connu ça, le moment où vous avez envie de grignoter. Tout et n’importe quoi. Puis à la fin, vous terminez parfois rassasiée mais régulièrement écœurée. Il vous fallait absolument et uniquement cette tablette de chocolat et certainement pas une pomme ni une banane. Vous n’avez pas senti venir la satiété parce que vous n’étiez pas dans le plaisir mais plus dans un acte irréfléchi. Pour la ressentir il faut du temps car elle se manifeste après 20 minutes à table, être vraiment à table et non dispersée avec la tablette ou la télévision à côté, bien mâcher chaque bouchée, savourer et avoir du plaisir à manger.

C’est intéressant de se dire en vérité qu’à chaque fois que l’on dévore ce qu’il nous faudrait éviter, on n’entend pas nécessairement les signaux de satiété. On se gave tant et plus mais le vide reste grand. Voilà quelque chose de bien distinct de la faim qui elle ne nous empêche pas de ressentir la satiété et nous laisse en général une meilleure impression de nous-même que l’envie à laquelle on a succombé.

La gourmandise n’a pas de symptômes concrets

La gourmandise peut être connectée à l’appétit. L’appétit se réveille par une odeur ou la vision d’un aliment que vous aimez particulièrement parce que depuis que nous sommes tout petits, nous avons créé une relation à la nourriture.

On construit dès l’enfance notre rapport à l’alimentation. Je me souviens de l’odeur du gâteau au chocolat que ma mère me préparait pour me faire plaisir, de mes doigts que je pourléchais en sauçant le reste de la préparation dudit gâteau. Je me souviens du dégoût que j’éprouvais face à mon assiette d’épinards cuits à la vapeur, de ma hantise de trouver des fils dans mes haricots verts. Tout comme je me souviens du goût délicieux du poulet rôti et des pommes de terre sautées que nous avions au déjeuner dominical. Faites l’expérience et entrez dans vos souvenirs. Que voyez-vous ? Quelles sont vos réminiscences et qu’associez-vous à votre alimentation quand vous étiez enfant ? Des études ont en ce sens montré que notre rapport à la nourriture est environnemental. C’est un bon exercice que d’essayer d’analyser ce phénomène dans votre comportement. Associez-vous un mal-être à la consommation d’un certain type d’aliments ? Quels aliments vous apportent du réconfort quand vous n’êtes pas bien ?

Par ailleurs, sachez que l’envie de manger peut dépendre d’une habitude. Avez-vous l’habitude de prendre un petit encas avec votre café de milieu de matinée ou vers 17h ? Avez-vous l’habitude de grignoter du pain frais juste avant les repas ? Ce que vous faites quotidiennement vous programme et joue sur vos envies.

Quand même on peut se demander si on a le droit à un petit plaisir de temps en temps. La réponse est oui car nous avons tous besoin de petites bulles à nous, pour nous faire du bien. De plus, sachez que vous gagnerez à être indulgente avec vous-même. Reconnaissez votre envie. Donnez-lui la permission de se manifester. C’est ok ! Il vous est même possible de vous autoriser un petit plaisir. Vous constaterez que souvent le simple fait d’accepter cette envie peut la faire disparaître. Vous autoriser c’est vous libérer de la pression et soulager votre inconscient. Vous donnez la permission, c’est peut-être même faire passer l’envie.

Elle est passagère et disparaît si on n’y fait pas attention

Si vous parvenez à ne pas craquer c’est-à-dire à ne pas vous ruer sur la tablette de chocolat qui vous fait de l’œil ou sur le pain frais et la plaquette de beurre, il vous faudra quand même passer le moment de la crise. Ayez des images positives à l’esprit de vos réussites : résister signifie ne pas grossir, vous laisser la liberté de choix, travailler sur votre éventuelle addiction au sucre en général et au chocolat en particulier, parvenir à votre idéal avec les étapes que cela demande mais aussi avec ce sentiment de joie et de reconnaissance envers ce que vous êtes capable de vous accorder. C’est avec la pratique que vous apprendrez. Il faut tenter des choses, tomber, se relever, réussir, vivre. Autorisez-vous la vie avec ce qu’elle comprend d’incertitudes et de satisfactions obtenues dans l’effort. Vous en êtes capable.

En supprimant de votre consommation les produits gras et sucrés, ceux qui sont convoqués en général par la gourmandise et l’appétit, vous pourrez même maigrir ou dans un premier temps contrôler votre prise de poids, reprendre le pouvoir sur votre alimentation sans pour autant faire de régime strict ni suivre de programme spécialisé. Vous serez votre guide. Et vous en tirerez une grande fierté qui vous redonnera de la sérénité. Le cercle est vertueux qu’on le prenne dans n’importe quel sens. Mesure et raison.

Votre tête vous commande et vous envoie vers un nid à sucre, sachez inverser la tendance en vous faisant du bien. Sortez de votre cuisine et pourquoi pas de chez vous, promenez-vous, respirez, buvez un grand verre d’eau. Vous avez en vous les ressources pour ne pas succomber à la tentation. Ah le vocable religieux réapparaît. Surtout soyez cool avec vous-même. Ne vous jugez pas, écoutez-vous et observez-vous. Détectez ce qui déclenche l’envie irrépressible de tout ce qui ne fait pas du bien à votre corps ni à votre esprit.

Lorsque vous êtes sur le point de passer à l’acte ou de craquer (selon la manière dont vous vivez les choses), répétez-vous ce mantra « rien ne dure, tout change ». Des chercheurs ont estimé son temps de vie à environ 15 minutes. Eh oui, votre immense envie de grignoter n’est qu’éphémère. C’est tellement important de le savoir pour enfin se le dire. Faites autre chose, consolez-vous, câlinez-vous le temps que dure l’appel au gras, au sel et au sucre. La technique du grand verre d’eau fonctionne bien. Ou alors dégustez des aliments amis comme des oléagineux, des fruits, un yaourt nature. Vous avez le droit à un petit grignotage encadré. Mangez en gardant en tête l’équilibre que vous visez.   

En conclusion, les clés d’une nutrition saine sont de boire beaucoup durant toute la journée (on parle d’1,5 litre d’eau par jour en dehors des repas), de manger des fruits et des légumes en quantités suffisantes (les légumes doivent couvrir 60% de votre assiette dans chaque repas), de faire du sport (bouger est indispensable pour votre équilibre physique et également psychique).

Vous avez en tête toutes ces clés et pourtant vous sentez encore une fragilité, un manque d’assurance ou une faiblesse à l’endroit de la nourriture. Soyez tolérante à votre égard. Peut-être avez-vous besoin de vous faire aider, d’entamer une thérapie. Il existe différentes sortes de thérapies pour comprendre ce que vous rencontrez comme difficultés. Pensez également à un coaching personnalisé. Pour finir, écoutez-vous. Si vous mangez à ne plus pouvoir vous arrêter, dites-vous tout de suite que ce n’est pas à un réel besoin que vous avez affaire mais plus à un désir intime que vous pourrez interpréter avec de la patience et de la bienveillance.

Julie, rédactrice